Gant de velours

Tout ce que tu n'as pas osé dire sur le monde ou à ta belle-mère. Considérations, pensées existentielles et poussières d'étoiles dans tes yeux. Du concentré d'humain, parfois reconditionné.

image_author_Angéline_Lcmb
Par Angéline Lcmb
10 août · 2 mn à lire
Partager cet article :

Résidence secondaire

Jour 4 à 6 - La mise en route / Journal de bord d'une aventure littéraire à la recherche de l'inspiration perdue, entre dictionnaire des synonymes, pots de houmous et piscine au soleil.

Jour 4 – La mare au diable

La machine est à nouveau lancée. Il paraît qu’il faut 21 jours pour ancrer une habitude au quotidien. 21 jours pour apprendre, pour s’inculquer une dose suffisante de rigueur, de patience, d’endurance.

21 jours pour me servir de ce carnet comme recueil d’une vie quasi rythmée par l’écriture et par les livres. Matin détente pour dissiper le brouillard de la nuit : café et méditation en terrasse pour décrasser le cerveau. Puis il faut bien se soumettre à l’exercice du futur et du sacro-saint administratif : continuer à chercher, à gratter, à essayer de faire en sorte de ne pas manger que des pâtes toute ma vie, quand bien même, avec du pesto, ça les rend meilleures.

Les ateliers d’écriture, pour le moment, ne sont pas la priorité. Je lâche prise petit à petit sur mes espoirs premiers pour mieux m’adapter à la situation. C’est difficile, mais c’est le jeu de la vie. Tu essaies, parfois tu échoues. Ou tu changes de stratégie.

Je tente de me rapprocher de la vision de mon métier qui me parle le plus : 80% d’écriture pour 20% d’ateliers. Mais ça, c’est dans le cas où – miracle – ma fiche de droits d’auteur ne ressemble pas au ticket de caisse pour l’achat d’un paquet de chewing-gums. Alors, en attendant, il faut se résoudre à remettre un pied hésitant dans la mare boueuse du salariat… Et advienne que pourra.

Je me bride moins sur l’aspect créatif : plutôt que de m’acharner à vouloir travailler sur mon roman, comme je l’avais initialement prévu, je m’autorise plus de latitude. J’écris ma nouvelle, plus thrash que je ne l’avais imaginée. Je flâne aussi sur des airs poétiques, quand l’envie m’en prend.

Je fais tomber les barrières, les unes après les autres.

Pour ne laisser exister que le tango exigeant entre mon esprit et les mots qui l’habitent.


Jour 5 – Nébuleuse

Il faut sortir de la caverne. Explorer les terres inconnues de la création. Si j’ai écrit hier ? Non, je le reconnais. Prise dans les tourments de la gestion administrative, je me suis laissée errer dans les méandres des formulaires, des procédures et autres joyeusetés.

Des tueurs de créativité, en somme.

Parfois difficile de jongler entre des obligations très concrètes, terre-à-terre, et l’envie de mieux exercer mon métier-passion, nécessitant que je garde un peu la tête dans les étoiles.

Peut-être que je me cherche des excuses. Plus facile de camoufler la réalité sous le tapis des injonctions administratives que de faire face avec courage aux blocages et peurs qui surviennent au moment de l'écrit.

Toutefois, nonobstant (pour me la péter à utiliser un mot obscur et impopulaire), il est curieux de constater que depuis que j’ai fermé un peu les écoutilles des ateliers pour me concentrer sur l’essence même de l’écriture, je n’ai jamais autant été sollicitée sur ce sujet. Comme un appel « divin » à justement m’autoriser des temps de création, pour ensuite mieux les transmettre.

Une sorte de mécanisme d’aimant.

Je compte bien gratter aujourd’hui. Et envoyer Procrastinator se balader au milieu des ronces et des orties. Je suis souvent tiraillée entre l’envie d’être productive, de relever haut-la-main ce défi que je me suis lancée, et le temps qui s’écoule à toute vitesse. Mi-août approche à grands pas. O temps, suspend ton vol. Que je puisse profiter de la piscine tout en écrivant le prochain best-seller. En toute ironie, bien entendu.

Je mets en place des rituels, des habitudes, nécessaires au déverrouillage de l’esprit. Ce dernier a besoin de sécurité pour oser, pour créer. Alors, je lui en donne comme je peux. A grands coups de méditation et de larvage au soleil…


Jour 6 – La fin des haricots

J’ai réussi ! J’ai réussi à terminer ma nouvelle ! C’était court, intense, mais suffisant pour remettre le pied à l’étrier. Je ne pense pas opérer de relecture/correction pendant la durée de ma résidence. Je reprendrai les textes à la rentrée.

Je ne veux m’imposer aucune œillère. Je veux laisser le flot des idées me traverser, sans limites. Mon cerveau a trop eu l'habitude de cadrer, d’enfermer dans des compartiments la moindre de mes envies, qu’elles soient d’ordre créatif ou non.

J’ai besoin de me lâcher un peu plus, de m’autoriser à explorer les frontières des genres, de ne pas me freiner.

La sensation du travail accompli est presque addictive. J’avais oublié ce que ça faisait, de mettre un point final à une histoire.

Je n’ai aucune envie de mener des ateliers à l’heure actuelle. Mon esprit est bien trop occupé à se raconter des histoires, pour avoir l’envie ou le temps d’en partager les mécanismes.

Je crois que j’ai vraiment trouvé mon heure de « productivité » artistique : 18h. Comme l’heure de ma naissance. Existe-t-il un lien, nébuleux, avec cette information ? Sylvain Durif approuverait certainement.

J’écris « productivité » mais je prends conscience d’à quel point ce système économique a gangréné toutes les sphères de la société, y compris le domaine artistique. Faut-il nous métamorphoser en robot hyper-rentable pour espérer être reconnu ?

Sommes-nous condamnés à nos seules fonctions, notre valeur marchande ?

Mais d’un autre côté, comment prétendre vivre de son art, quand nos besoins essentiels ne peuvent être assouvis que par le biais de l’argent ? L’humain a-t-il commis la pire connerie du monde en inventant le concept d’argent ?